Vendredi 13 Novembre, aux alentours de 21h, j’ai hésité à sortir pour rejoindre mes amies juste à côté de la maison. Et puis, j’ai repoussé, en me disant que je verrais un peu plus tard, quand les enfants seront couchés.
Il est 21h20, il n’y a plus de coca, me dit mon mari… C’est bon, nous en achèterons demain, il n’y a pas d’urgence, non…
Il est environ 21h30 quand les enfants arrivent en sautant dans le salon, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants. Ils se jettent à la fenêtre en disant : « Il y a un feu d’artifice dehors, vous entendez ? ». Les bruits se répètent, ça ressemble plutôt à des gros pétards. Je leur dis que c’est surement des jeunes qui s’amusent dehors… C’est un peu long et je suis surprise par le bruit si fort de ces pétards, mais 5 minutes après, tout est redevenu très calme dans la rue. Nous n’y pensons plus, et couchons les enfants.
Je n’ai plus vraiment la force de sortir, j’hésite…j’attends…10 ou 15 minutes se sont écoulées depuis les pétards.
J’entends une sirène de pompier au loin, je n’y fais pas vraiment attention, puis une 2ème, puis plus rien…
La 3ème et 4ème sirène me font vraiment sursauter. Depuis la prise d’otages de l’HyperCacher en Janvier, non loin de chez nous, les sirènes de pompiers me font cet effet quand elles se répètent.
Je dis à mon mari que je pense qu’il se passe quelque chose dans Paris… Et puis, encore le silence…Je suis surement parano, je m’inquiète trop vite.
Mais ça revient, encore et encore… Je prends mon téléphone, je suis à l’affut, mais rien, il ne se passe rien dans Paris…
Je le repose et il bip, c’est une alerte. Je vois tout de suite les mots Paris et fusillade. Je cherche à en savoir d’avantage. Ils parlent du 10ème arrondissement.
Nous allumons la télévision, c’est le match, non rien. Une autre chaine, ils en parlent… Nous essayons de comprendre la fusillade dans le 10ème, que s’est-il passé ? Nous avons du mal à assimiler…Les sirènes que nous avons attendu avant, c’était ça…
Je suis inquiète, j’appelle ma sœur qui habite là-bas : « Tu es où ? Il y a une fusillade dans ton quartier ! » Elle est de l’autre côté de Paris, je suis rassurée. Je suis toujours au téléphone, je lui donne les infos au compte-goutte, que mon mari me donne en même temps, en alternant entre twitter et la télé.
Il est 22h passées : « Le 11ème aussi…Stade de France…Le Bataclan… » Nous ne comprenons rien, ça part dans tous les sens… Il y a toujours le match à la télé…
C’est aussi dans le 11ème, nous essayons de trouver le lieu exact.
C’est juste à 100 mètres de la maison, et pourtant il y a un calme absolu. Je regarde par la fenêtre, les gens se baladent dans la rue calmement, personne ne semble encore affolé.
Il est 23h quand nous essayons toujours de comprendre ce qu’il se passe et que nous commençons à réaliser l’ampleur des choses. Je tremble, j’explose en larmes, je m’affole, je m’inquiète…
Il y a moins de passants dans la rue. Je vois cette fille, au loin, qui se cache derrière une voiture, cette autre au téléphone que j’entends dire : « non, il y a d’autres personnes dans la rue… ». Je vois de loin un militaire au coin de la rue…
L’inquiétude, la stupeur et l’incompréhension se mélangent dans nos têtes.
Les appels et les sms avec les amis du quartier commencent : « Tu es où ? Ca va ? » « Es-tu dehors ? Es-tu bien à la maison ? »
Certains sont chez eux, d’autres n’osent plus sortir pour rentrer chez eux.
C’est la panique absolue…
Comme beaucoup, nous avons à peine dormi cette nuit là, en mettant les infos en boucle, en s’assurant que notre entourage allait bien, et en essayant encore une fois, de trouver à l’avance, les mots pour expliquer à nos enfants l’inexplicable.
Au matin, nous avions tous les trais tirés, la rue était déserte…
Nous avons continué à recevoir et envoyer des messages pour avoir des nouvelles, vérifier des amis, qui étaient à côté, en face, ou un peu partout.
Ca aurait pu être moi, lui, eux… Nous sommes tellement chanceux, pensons-nous…
La journée de Samedi a été longue, insoutenable et nous osions à peine sortir.
Nous avons fait semblant devant nos enfants, qui n’ont pas posé autant de questions qu’aux derniers attentats. Ils n’en parlent presque pas, sont excités, et A., 2 ans, a beaucoup pleuré ce week-end.
R, 9 ans, est inquiet pour son ami qui habite en face du restaurant et qui a vu de sa fenêtre la fusillade.
Dans ma tête, ces pétards raisonnent en boucle, encore et encore…
Nous sommes en deuil.
Ce dimanche matin, tous les 5, main dans la main, nous sommes sortis en bas de la maison allumer chacun notre bougie.
Nous sommes choqués.
Nous sommes en deuil.
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